Abuser du bon
Abuser du bon

Et si on se trompait ?

Il y a 3 ans, j’ai laissé tomber mon titre d’avocate et ma job en communication et je suis retournée m’asseoir sur les bancs d’école pour étudier en médecine.

« Mais, pourquoi ?! »

J’ai bien dû me faire poser la question au moins 100 fois par semaine ! La réponse complète serait trop longue… Mais disons pour le moment que ce qui m’intéresse profondément dans la médecine, c’est d’abord et avant tout les gens, ainsi que l’optimisation de leur état de santé, et non pas seulement le traitement de la maladie objectivable. Or, je reproche souvent à la médecine conventionnelle occidentale de se préoccuper trop peu de cette vision de la santé. Coincés dans nos critères diagnostics, on pourchasse la maladie. Mais pour moi, être en santé ne se limite pas à ne pas être malade ; la santé, c’est bien plus que le cancer, le diabète et les sinusites.

 

Se pousser à bout

Depuis le début de mes études, je me suis souvent demandée si ça en valait le coup. Si toutes ces heures passées à bûcher en valent la peine. Je suis peut-être devenue trop à l’écoute de mon corps ( !), mais je remarque aisément les effets du stress et du manque de sommeil sur moi. C’est souvent subtil, probablement imperceptible pour la plupart des gens qui me croisent. Je travaille chaque jour à préserver un équilibre, envers et contre tous, et je refuse de sacrifier tous mes loisirs, toutes mes nuits de sommeil et mes heures de sport à l’étude, contrairement à plusieurs de mes collègues, bien que la pression se fait épouvantablement forte et la charge de travail insurmontable. Mais malgré tout, je ne m’en sors pas complètement indemne, et ça me heurte profondément. Parce que j’ai mis trop d’années à comprendre que la performance a un prix, et qu’il est souvent trop cher payé. Alors parfois je me questionne : est-ce que ça en vaut la peine?

 

Mais – et c’est là que ça devient intéressant – ce n’est pas seulement les études en médecine que je questionne. D’une part, je suis bien consciente que les médecins sont loin d’être les seuls à travailler autant. Au contraire ! Au-delà du travail ou des études, c’est notre mode de vie d’occidentaux que je remets en question. C’est de passer le plus clair de notre temps devant un écran d’ordinateur. De toujours être à la course. De vivre confinés entre quatre murs. De laisser filer nos semaines en un clin d’œil, happés par nos obligations. De prendre l’auto pour aller s’enfermer au gym pendant une heure, pour ensuite retourner nous affaler à notre bureau ou sur notre sofa. De se récompenser à grands coups de BigMac, d’alcool et de BMW. De carburer aux stimulants et aux antidépresseurs pour endurer nos vies. De vivre en attendant nos vacances, en attenant le week-end, la retraite, la promotion, la fin d’un rush. Toujours en attendant.

 

Mais si on s’était royalement trompés ?

Outre le sentiment que la vie nous file entre les doigts, qu’on passe à côté de quelque chose de drôlement plus important, je pense aussi que ce mode de vie nous rend réellement malades, à moyen ou à long terme. Il y a déjà des liens bien établis entre l’obésité, l’activité physique et plusieurs maladies connues, à commencer notamment par l’hypertension et le diabète. Mais je suis persuadée que ça va beaucoup plus loin que ça. De multiples études se penchent d’ailleurs sur les infinies ramifications des impacts de notre mode de vie sur notre santé. Nous pourrons y revenir dans des chroniques futures, en espérant que j’aie réussi à piquer votre curiosité cette fois-ci.

 

Étudier en médecine, ça veut aussi dire acquérir une rigueur scientifique. Mon gut feeling ne se qualifie apparemment pas comme une source fiable d’information. Mais ce n’est pas un bilan médical ici, donc je me permets de digresser un brin. Et si les déprimés et les anxieux, n’étaient que plus transparents envers des phénomènes qui nous grugent tous de l’intérieur ? Et si les marginaux qui décident de tout vendre et de se réinventer une vie plus simple, à la campagne ou en Asie, n’étaient pas simplement plus lucides et courageux ?

 

Pour poursuivre la réflexion

  

Écrit par
Catherine de Montigny
Médecin résidente - Université McGill